Audi AG, pilier du groupe Volkswagen, prépare une transformation d’envergure pour franchir un cap inédit : 2 millions de véhicules vendus par an. Derrière ce chiffre symbolique se cache une stratégie de « refondation » complète, mêlant électrification, innovation logicielle, rationalisation industrielle et repositionnement global. Un pari audacieux pour une marque qui veut redevenir une référence mondiale du haut de gamme.
« Nous voulons faire d’Audi le cœur technologique du groupe Volkswagen, synonyme de performance, de durabilité et de désir automobile », a déclaré Gernot Döllner, PDG d’Audi AG, lors d’un récent point stratégique à Ingolstadt.

Un objectif ambitieux dans un contexte mondial sous tension
Selon une information révélée par Reuters, Audi AG envisage de fixer une nouvelle cible de ventes annuelles à 2 millions d’unités, un record historique pour la marque. En 2024, le constructeur a livré environ 1,7 million de véhicules à travers le monde, une performance solide mais en deçà des sommets atteints au début des années 2010. L’objectif 2025-2026 représente donc une croissance de près de 20 %, un défi de taille dans un marché automobile mondial marqué par la prudence et la volatilité.
Ce projet s’inscrit dans la feuille de route ambitieuse de Gernot Döllner, nommé à la tête d’Audi en 2023, après une carrière au sein de Porsche. Sa mission : relancer la dynamique de la marque et la repositionner au centre du dispositif premium du groupe Volkswagen, aux côtés de Porsche, Bentley et Lamborghini. La stratégie repose sur trois piliers : la performance financière, l’excellence produit et la transformation numérique.
« Audi doit redevenir une marque de désir. Pas seulement performante, mais inspirante. Nous voulons que chaque innovation ait un sens pour le client », a précisé Döllner dans un entretien accordé à la presse allemande.
Un contexte de transition énergétique à plusieurs vitesses
La montée en puissance de la mobilité électrique bouleverse les équilibres historiques du marché automobile. Audi, longtemps perçue comme un suiveur dans la course à l’électrification, veut désormais accélérer. Le constructeur prévoit le lancement de plus de 20 nouveaux modèles électriques d’ici 2030, dont plusieurs déclinaisons de SUV, berlines et coupés sportifs.
Le fer de lance de cette nouvelle génération est l’Audi Q6 e-tron, premier véhicule reposant sur la plateforme PPE (Premium Platform Electric), développée conjointement avec Porsche. Cette architecture permet des autonomies supérieures à 600 kilomètres, une recharge ultra-rapide et une connectivité de nouvelle génération basée sur un système d’exploitation commun, le Volkswagen Group OS.
Mais Audi ne tourne pas complètement la page du thermique. Contrairement à sa position initiale (qui prévoyait un arrêt complet de la production de moteurs à combustion dès 2026) la marque adopte désormais une approche plus nuancée. Selon Döllner, « certaines motorisations essence et diesel continueront d’exister dans les années 2030, tant que la demande client le justifie ». Une décision stratégique, qui vise à préserver la compétitivité sur des marchés encore largement dépendants du pétrole, comme les États-Unis, le Moyen-Orient ou certaines régions d’Asie.

Une réorganisation industrielle sans précédent
Pour soutenir cette croissance, Audi a lancé un vaste programme de modernisation de ses usines. Les sites d’Ingolstadt et de Győr (Hongrie) sont en cours de transformation pour accueillir des lignes de production flexibles, capables d’assembler à la fois des modèles thermiques, hybrides et électriques. L’objectif est de réduire les coûts de fabrication de 30 % d’ici 2028.
Cette modernisation s’accompagne d’une digitalisation accrue. Audi intègre de plus en plus l’intelligence artificielle et la robotisation dans ses processus de production, afin d’améliorer la précision, la qualité et la traçabilité. Des systèmes d’inspection automatisée par vision numérique permettent désormais de détecter des micro-défauts invisibles à l’œil nu.
En parallèle, le constructeur investit massivement dans la durabilité industrielle. Le site d’Ingolstadt vise la neutralité carbone cette année, grâce à une alimentation électrique 100 % renouvelable, des systèmes de récupération d’énergie et un recyclage systématique des eaux usées industrielles. Audi souhaite faire de ses usines un modèle d’efficacité écologique au sein du groupe Volkswagen.
Un repositionnement de marque à haute valeur émotionnelle
Au-delà de la performance industrielle, Audi cherche à renforcer son identité de marque. Après plusieurs années où son image semblait s’être diluée entre tradition et innovation, la marque veut renouer avec ce qui faisait son charme : le design intemporel, la technologie au service de l’émotion et l’avant-gardisme sobre.
Le concept-car Audi Concept C, présenté récemment à Milan, illustre cette nouvelle direction stylistique. Le véhicule se distingue par des lignes pures, des volumes minimalistes et un habitacle dépourvu de superflu, misant sur des matériaux recyclés et des interfaces numériques intuitives. Ce concept annonce la philosophie esthétique des futurs modèles de la marque.
« Notre futur design repose sur la clarté et l’harmonie. Nous ne voulons pas impressionner par la complexité, mais séduire par la cohérence », Massimo Frascella, chef du Desgin Audi.
L’expérience utilisateur devient également centrale. Audi investit dans le développement de son propre écosystème numérique, permettant une intégration fluide entre le véhicule, le smartphone et les services cloud. L’objectif : offrir une continuité d’expérience entre la mobilité, la maison et le travail.

Une concurrence féroce mais des atouts solides
Sur le segment premium, Audi affronte une concurrence accrue. BMW, Mercedes-Benz, mais aussi Tesla et les constructeurs chinois comme BYD ou NIO, multiplient les innovations et baissent les prix. Dans ce contexte, Audi parie sur sa rigueur technologique, son héritage et sa qualité perçue pour se différencier.
En Chine, qui reste son premier marché, la marque renforce ses partenariats locaux et développe des modèles spécifiques. Elle investit également dans la connectivité 5G et les services de mobilité intégrés pour séduire une clientèle plus jeune. En Europe, Audi continue d’incarner une référence en matière de technologie et de design, tandis qu’aux États-Unis, elle entend capitaliser sur l’image sportive de ses gammes S et RS.
L’innovation logicielle, clé de la transformation
La révolution numérique constitue le cœur du plan Audi. La marque a créé un centre de développement logiciel interne, baptisé Audi Software Development Center (SDC), chargé de développer les systèmes embarqués de nouvelle génération. L’objectif est d’accélérer la mise à jour des véhicules à distance (over the air) et de renforcer la cybersécurité.
Ce virage technologique va de pair avec la montée en puissance du projet Cariad, la filiale logicielle du groupe Volkswagen, qui développe une architecture unifiée pour toutes les marques du groupe. Audi en sera l’un des principaux bénéficiaires, notamment en matière de conduite assistée et d’interfaces intelligentes.

Un pari audacieux sur la rentabilité et la valeur à long terme
Pour certains analystes, viser 2 millions de ventes annuelles pourrait paraître risqué dans un marché mondial en mutation. Mais Audi y voit un levier de transformation culturelle. Ce n’est pas seulement un objectif quantitatif, mais une manière d’aligner toute l’organisation sur une trajectoire de progrès et d’exigence.
« L’ambition d’Audi dépasse les chiffres. C’est une nouvelle philosophie industrielle et culturelle que nous construisons, fondée sur la précision, la durabilité et la confiance », résume un cadre du groupe.
L’entreprise mise sur une amélioration progressive de ses marges, portée par la montée en gamme de ses véhicules électriques, la réduction des coûts logistiques et une meilleure synergie entre les marques du groupe Volkswagen.
Vers un nouveau chapitre de l’histoire Audi
Atteindre le seuil des 2 millions de ventes serait une victoire symbolique pour Audi, mais surtout une preuve que la marque a réussi à s’adapter à une nouvelle ère industrielle. Entre tradition et modernité, performance et responsabilité, Audi cherche à redéfinir ce que signifie être une marque premium au XXIe siècle.
En 2025, les premiers résultats de cette stratégie commenceront à se faire sentir. Si la transition est bien menée, Audi pourrait non seulement atteindre son objectif, mais aussi renforcer durablement sa position comme l’un des piliers technologiques du groupe Volkswagen et un acteur clé de la mobilité du futur.
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