Audi affiche un chiffre d’affaires de 32,6 milliards d’euros au premier semestre 2025, soit une progression de 5,3 % par rapport à 2024. Cette croissance masque toutefois des fragilités structurelles. L’essor du segment électrique, porté notamment par les modèles Audi Q4 e-tron et Audi Q6 e-tron, explique en grande partie cette hausse. Ces véhicules rencontrent un franc succès en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, où leur part dans le mix produit s’accroît significativement.
Cependant, cette dynamique ne se traduit pas par une amélioration des marges. L’augmentation des coûts de production, la pression inflationniste sur les matières premières et la montée des droits de douane américains pèsent lourdement. S’y ajoutent les investissements croissants en R&D liés à la transition énergétique, qui grèvent les bénéfices. Ainsi, la hausse du chiffre d’affaires s’inscrit dans un contexte de rentabilité dégradée, rendant l’équation économique plus complexe pour Audi.
La composition des ventes illustre ce paradoxe : les véhicules électriques gagnent du terrain, mais les volumes totaux baissent. Audi devient donc plus dépendant d’un segment à la fois stratégique et volatil. Cette orientation renforce l’exigence d’une mise en œuvre rigoureuse de la stratégie électrique pour éviter tout effet boomerang.

Droits de douane et restructuration : une pression bilatérale
Deux facteurs ont particulièrement affecté la performance d’Audi sur ce semestre : la hausse des droits de douane américains et la restructuration interne via l’« accord pour l’avenir ». Ces éléments, bien que distincts, convergent dans leurs effets : réduction des marges, contraction des volumes et tensions sur la trésorerie.
L’augmentation des tarifs douaniers a directement impacté la compétitivité des véhicules importés aux États-Unis. La conséquence immédiate : une baisse de 9 % des ventes en Amérique du Nord. Audi a dû revoir ses prix à la baisse pour limiter la casse, ce qui a érodé les marges. Les effets potentiels de l’accord tarifaire récemment signé entre l’UE et les États-Unis restent incertains à ce stade. L’accord douanier récemment conclu (27/07/2025) prévoit un droit de douane de 15 % entre l’Union européenne et les États-Unis.
En parallèle, la transformation interne en cours vise à aligner l’organisation sur les exigences futures en matière d’électrification et de digitalisation. Bien que stratégique à moyen terme, ce plan engendre des charges immédiates conséquentes. Les économies attendues (un milliard d’euros par an) ne se matérialiseront qu’après une phase de transition, laissant l’entreprise sous pression à court terme.

Croissance électrique soutenue, rentabilité à construire
La dynamique électrique d’Audi s’accélère : plus de 101 000 véhicules 100 % électriques ont été livrés au premier semestre 2025, soit une croissance annuelle de 32 %. Cette performance résulte à la fois d’un produit compétitif et d’une demande croissante pour des solutions de mobilité durable, particulièrement marquée en Europe de l’Ouest.
Les commandes de véhicules électriques progressent de 70 % dans cette zone, contre 11 % pour l’ensemble des motorisations. La France, les Pays-Bas et l’Allemagne enregistrent des hausses spectaculaires : respectivement +196 %, +86 % et +76 % de livraisons de BEV. Les modèles Audi Q4 e-tron (45 000 unités) et Audi Q6 e-tron (36 000 unités) tirent cette croissance, validant les choix industriels du constructeur.
En parallèle, Audi renforce ses capacités d’innovation via des partenariats comme celui avec Rivian, axé sur le développement de véhicules définis par logiciel (SDV). Néanmoins, le rendement économique des BEV reste inférieur à celui des thermiques. Le défi central réside désormais dans l’amélioration des marges sur l’électrique, tout en maintenant un rythme de croissance élevé.

Des performances commerciales globalement en repli
Si l’électrique progresse, les ventes totales reculent. Audi a livré 783 531 véhicules au premier semestre, soit une baisse de 5,9 % sur un an. Ce repli reflète un environnement global difficile : tensions géopolitiques, incertitudes macroéconomiques, droits de douane et prudence accrue des consommateurs sur plusieurs marchés stratégiques.
En Chine, la concurrence locale s’intensifie dans l’électrique, entraînant un recul de 10 % des livraisons. Face à cette pression, Audi prévoit de lancer des modèles adaptés au marché chinois, dont l’AUDI E5 Sportback et une version longue de l’Audi Q6 e-tron. En Amérique du Nord, les livraisons chutent de 9 %, à 99 000 véhicules, pénalisées par les droits de douane et des ventes électriques en repli de 4 %.
En Europe, la situation est contrastée : l’Allemagne progresse légèrement (+1 %), mais les autres marchés européens affichent un recul de 4 %. La montée en gamme du portefeuille produit, avec une plus forte proportion de modèles électrifiés, compense partiellement cette baisse de volume, mais ne suffit pas à inverser la tendance globale.

Rentabilité en net repli malgré un CA en hausse
Les résultats financiers d’Audi sur ce semestre traduisent un net recul de la performance opérationnelle. Le résultat d’exploitation chute de 45 %, à 1,1 milliard d’euros. La marge opérationnelle passe de 6,4 % à 3,3 %, illustrant la difficulté à maîtriser les coûts dans un contexte de mutation stratégique et de pressions externes.
Le résultat financier baisse lui aussi de 24,3 %, à 593 millions d’euros. Ce recul est principalement imputable à la Chine, où les coentreprises contribuent moins aux profits, en raison de la montée en puissance de concurrents locaux proposant des véhicules électriques technologiquement avancés à moindre coût.
Le bénéfice net recule de 37,5 %, à 1,35 milliard d’euros. Ce chiffre résume les tensions combinées : croissance du chiffre d’affaires, mais érosion des marges. Le flux de trésorerie net diminue également, à 0,9 milliard d’euros, notamment du fait de l’acquisition stratégique mais onéreuse des parts de Sauber Holding AG. Cette situation souligne l’urgence pour Audi de dégager rapidement les gains promis par sa transformation.

Marques partenaires : trajectoires divergentes
Les marques intégrées sous l’entité Progressive (Bentley, Lamborghini, Ducati) présentent des performances contrastées, dans un contexte économique global tendu.
Bentley subit un repli notable, avec des livraisons en baisse de 11 %, à 4 876 unités. Son chiffre d’affaires chute à 1 176 millions d’euros, et son résultat d’exploitation s’effondre à 81 millions, avec une marge réduite à 6,9 %. Malgré cette contraction, la marque investit dans son virage électrique, avec un nouveau concept-car et une identité visuelle renouvelée.
Lamborghini, de son côté, stabilise ses livraisons à 5 681 unités et maintient un chiffre d’affaires stable (1 621 millions d’euros). Le résultat d’exploitation diminue légèrement à 431 millions, mais la marge reste élevée (26,6 %), preuve de la solidité du positionnement ultra-premium. La marque prépare activement sa mutation électrique, tout en tirant profit de ses icônes thermiques.
Ducati enregistre un recul de 5,7 % de ses livraisons, à 30 234 motos, pour un chiffre d’affaires de 558 millions d’euros. Le résultat d’exploitation tombe à 53 millions, avec une marge de 9,5 %, contre 15,1 % un an plus tôt. La marque fait face à un marché moto cyclique et sensible aux prix. Elle mise désormais sur des séries limitées et l’innovation technologique pour se relancer.

Conclusion : une phase critique de mutation
Le premier semestre 2025 marque un point d’inflexion pour Audi, à la croisée de plusieurs transitions. Si le chiffre d’affaires progresse, la rentabilité décline fortement. Le groupe fait face à une double contrainte : s’adapter à un environnement géopolitique instable tout en menant une transformation structurelle profonde.
La poussée électrique et les innovations en cours démontrent un potentiel stratégique, mais leur rentabilité reste encore à construire. Parallèlement, la pression sur les volumes, les coûts et la trésorerie impose une exécution irréprochable du plan « accord pour l’avenir ».
Audi doit conjuguer adaptation de court terme et vision stratégique de long terme. Sa réussite dépendra de sa capacité à maintenir le cap de la transformation sans compromettre sa compétitivité. La volatilité des facteurs exogènes (politiques tarifaires, compétition technologique, évolution de la demande) exige une agilité renforcée.
Si les fondations posées sont solides, elles nécessitent des résultats tangibles dès 2026 pour valider les choix opérés. Audi est engagé dans une mutation qui le dépasse en tant que constructeur automobile : il s’agit désormais de devenir un acteur technologique mondial, agile, rentable et durable.
Synthèse stratégique
Audi entre dans une nouvelle phase structurée autour de quatre axes majeurs :
- Accélérer l’électrification : consolider les performances des Audi Q4/Q6 e-tron et continuer à innover dans un segment compétitif et à marge encore limitée.
- Rétablir la rentabilité : concrétiser les économies promises, tout en maintenant un effort constant en innovation et en différenciation produit.
- Renforcer la résilience géographique : mieux répartir les risques en diversifiant marchés et offres, notamment en Chine et en Amérique du Nord.
- Positionner Audi comme acteur technologique : miser sur les partenariats stratégiques, la digitalisation et les architectures SDV pour renforcer son leadership.
L’exécution simultanée de ces priorités conditionne le redressement. Audi ne peut plus se contenter d’être un constructeur haut de gamme : il doit désormais incarner une vision industrielle globale et adaptée au monde de demain.
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