La récente annonce d’Audi portant, entre autres, sur 4500 suppressions d’emplois et la fermeture d’une usine phare en Allemagne interroge : l’impératif politique de transiter trop vite vers le tout électrique conduit-il à une impasse pour les industriels de l’automobile ? Sous le vernis du discours sur la transition écologique, c’est un drame social et industriel qui se joue entre les murs des usines automobiles d’Europe. Est-il bon pour la politique publique et l’industrie tout à la fois d’éprouver les faiblesses des grands groupes ayant du mal à faire évoluer leur activité ?
Les décisions politiques : Une pression qui précipite la crise
Le passage à l’électrique repose en grande partie sur des règlements européens ambitieux. Le paquet « Fit for 55 » et les objectifs de neutralité carbone de 2050 recommandent des quotas drastiques de réduction d’émission de CO2, incitant les constructeurs à abandonner prestement le thermique pour l’électrique.
Pour Audi, la filiale du groupe Volkswagen, cela exige une transformation profonde de son portefeuille. Cette réorientation requiert de lourds investissements dans les nouvelles technologies (batteries, chaînes d’approvisionnement en matériaux rares) tout en rendant obsolètes des installations et des compétences basées sur le thermique. Le hic ? Remplacer le thermique ne se fait pas toujours en toute concordance avec le calendrier des réalités du marché et des attentes des consommateurs. L’industrie se retrouve coincée entre la nécessité d’accélérer sans filet sous peine de sanctions financières et la perte de compétitivité.
L’électrique, un modèle encore fragile
Si l’automobile électrique constitue un relais sérieux sur le terrain écologique, elle est loin d’être la panacée. Son coût de production reste élevé au regard de la dépendance pour certains matériaux critiques (lithium, cobalt) dont la chaîne d’extraction tout comme celle de leur acheminement sont peu respectueuses de l’environnement. Par ailleurs, l’infrastructure de recharge demeure insuffisamment développée dans de nombreux pays pour permettre une adoption massive. Le décalage entre ambition politique confondante et réelle logistique exsangue, renforce indûment la pression sur les constructeurs.
La fermeture d’usines telles qu’Audi sonne également comme le révélateur d’un passage malamené. La voiture électrique propose, moins de composants que le moteur thermique, appelant une automatisation de plus en plus systématique au détriment des effectifs. Résultat ? Des milliers d’emplois sont mis en cause au sein d’un secteur traditionnellement jugé porteur de l’économie européenne.
Quelles solutions pour une transition plus juste ?
Un mix technologique et progressif
Au lieu de parier uniquement sur l’électrique, il ne serait pas illusoire d’appeler à une coexistence de technologies au cours de cette phase de transition. Les carburants de synthèse, l’hydrogène ou les moteurs hybrides pourraient être des alternatives médio-métriques, permettant de réduire les émissions, tout en préservant à la fois les infrastructures de transport et les emplois associés.
Un accompagnement renforcé aux entreprises en transition
Tout au long de leur mutation, les entreprises doivent pouvoir bénéficier de politiques publiques de soutien financier ou technologique, des subventions ciblées, d’un accès facilité à des prêts verts ou même d’allègements fiscaux en faveur des investissements dans la R&D.
Un dialogue social renforcé
Les fermetures de sites industriels et les pertes de postes, bien qu’elles soient parfois inévitables, ne devraient pas être le corollaire d’une transition qui ne saurait être qualifiée de juste. Un vaste projet de reconversion et de formation des salariés doit être mis en place afin de mieux accompagner les réformes que va connaître l’industrie. Dans cette perspective, par exemple, Audi pourrait se rapprocher des gouvernements afin de déployer des programmes de requalification à destination des métiers liés aux nouvelles technologies vertes.
Investir dans l’infrastructure de recharge
Seule l’existence d’une bonne infrastructure permettra une adoption massive des véhicules électriques. Les pouvoirs publics doivent s’associer à des partenaires privés pour garantir un développement rapide d’une offre de stations de recharge accessibles et à un prix raisonnable dans tous les territoires, y compris en milieu rural.
Appel à un débat équilibré
L’appel d’Audi n’est pas qu’un cri industriel : il pose une question essentielle d’équilibre entre impératifs écologiques et impératifs économiques. La lutte contre le réchauffement climatique est certes un objectif fondateur, mais il ne doit pas être une occasion d’une désindustrialisation massive et d’un désespoir social.
Un décalage trop important entre contraintes induites dans les faits et temps d’adaptation des entreprises et des citoyens peut renforcer les oppositions à la transition écologique. Seule une mise en débat équilibré des acteurs en présence (industriels, politiques, citoyens, experts) permettra d’aménager une transition réaliste, durable et inclusive.
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